Émilie Talon

Auteure

Née au creux des Alpes, Émilie Talon a d’emblée été happée par les lointains géographiques et littéraires auxquels l’ouvraient une famille éclatée, de l’Iran à l’Amérique, et la clé des livres qu’elle prit comme la clé des champs. Après des études littéraires, elle connut un parcours éclectique. Cavalière, enseignante, gardienne de refuge, agent de service hospitalier, correspondante pour la presse… elle cultiva dans chacune de ses expériences une dimension poétique qui se trouva d’abord écrite sous forme de fragments épars.

Son travail créatif, qu’il s’oriente du côté de la fiction ou du récit, l’amène à explorer un territoire qui se déploie entre deux pôles. Elle investit d’abord les lieux de l’intime – ceux où s’ancre le quotidien et où évolue le corps, physique et émotionnel, les rapports entre les êtres, leurs paysages intérieurs et leurs environnements immédiats. Elle répond aussi à l’appel du grand dehors, des lointains dont elle s’est nourrie, du finistère portugais au cap tunisien, en passant par l’Orient et la haute montagne des songes.

 

Son lien à l’Iran s’est d’abord confondu avec son lien à sa famille iranienne : une « branche » de la lignée maternelle due au mariage, dans les années 1960, de sa tante avec un Iranien francophile. Ce lien à l’Iran, incarné par la relation sororale qu’elle entretient avec sa cousine, est également le berceau de son écriture : en dehors des séjours annuels de l’une chez l’autre et de l’autre chez l’une, durant toute son adolescence, une correspondance gargantuesque entre elles lui permit d’affûter sa plume, pour dire la subtilité de sentiments attisés par la distance, pour exprimer la poésie du quotidien (qui fait les relations épistolaires les plus denses), pour répondre à l’écho de là-bas en étant ici, pour tisser des motifs parallèles entre l’autre et soi. L’Iran représentait alors le royaume, en partie idéalisé, de son mentor. Cette « longue adolescence » se conclut par un voyage plus intense que tout autre alors qu’elle avait 19 ans, un voyage qu’elle relata, vingt ans plus tard, dans Iran, La paupière du jour. Sa cousine se maria et cessa alors quasiment d’écrire, son lien à l’Iran en fut remodelé : désormais plus autonome, elle redécouvrit le pays de façon plus documentaire, son histoire, son actualité, sa culture traditionnelle mais également contemporaine et vivace, elle prit du recul sur la vision familiale de ce pays brûlant. Ce changement de point de vue aboutit au projet de Vertiges persans : c’est par le biais de ses propres amis iraniens (et non sa famille) qu’Émilie conçu le voyage qu’elle y effectua sur les traces de son père (qui avait mené une expédition alpinistique à l’Alam Kouh et au Damavand en 1956). Elle considère aujourd’hui sa relation avec ce territoire (qu’elle observe en se tenant « à la distance de la cousine », qui incarne la belle, et parfois si proche, Altérité) comme une histoire d’amour et d’émancipation.

Années de présence sur Terres d’ailleurs : 2023