Exposition “Terres Perdues” Maxime Daviron

Invité(s) :

Lieu : Médiathèque José Cabanis

Quand : Du 2 novembre au 3 décembre 2023

Il émane une certaine puissance des hautes altitudes sauvages. De vaporeux sentiments s’y entremêlent : fascination, angoisse, humilité. Une étrangeté omniprésente réveille en nous des instincts enfouis, ramenant l’esprit au stade d’une sorte de contemplation craintive face aux forces brutes qui semblent habiter ces immensités.


C’est de cet état de conscience introspectif que “Terres Perdues” puise ses racines. La démarche de la série est avant tout artistique : sous des influences picturales et cinématographiques, elle cherche à retranscrire des atmosphères, à insuffler dans chaque image une histoire et une expérience. En cela, les éléments climatiques les plus tourmentés agissent comme un révélateur, ouvrant des fenêtres éphémères sur un univers insoupçonné et exacerbant le “sauvage” qui règne dans ce univers vertical. Dans la prolongation de cette démarche, le parti pris s’est imposé naturellement d’exclure toute trace humaine du cadre pour évoquer une époque antérieure à l’anthropocène, un ailleurs primitif et intact.


Dans les semaines qui ont suivi mon premier contact avec la chaîne pyrénéenne au début des années 2010, j’ai vite réalisé que ce vaste terrain d’exploration allait occuper une place prépondérante dans ma démarche photographique. Au fil de mes errances au-delà des sentiers, je me suis peu à peu familiarisé avec le mouvement “pyrénéiste”, philosophie née au XIXème siècle dans laquelle je me suis vite retrouvé : sensibilité artistique et contemplative ; attrait pour les sciences naturalistes ; éloge de la lenteur et d’une immersion solitaire dans les montagnes reculées – le concept derrière ce terme se concentrait avant tout sur l’expérience physique et sensorielle de l’altitude sauvage. Si cette approche a émergée dans le massif franco-hispanique, elle n’en est pas endémique ; et des sensibilités similaires se retrouvent chez des auteurs de tous horizons tels que John Muir, qui résumait on ne peut mieux ce sentiment que je ressens aujourd’hui : “Partir ? Il suffit de jeter un peu de pain et une poignée de thé dans un sac et d’enjamber la barrière.” L’aventure ne réside nulle part ailleurs que dans notre manière d’approcher les lieux qui nous entourent.


En s’articulant essentiellement autour des montagnes pyrénéennes, la série tente de montrer ce qu’il est possible de voir et de vivre à deux pas de chez soi. Et si ces visions évoquent un passé vierge de la main de l’Homme, c’est aussi pour éveiller implicitement les consciences à la préservation cruciale de ces derniers bastions du sauvage qui subsistent encore autour de nous. Si la géologie terrestre a pu, au fil des millénaires, engendrer des paysages aussi variés que spectaculaires autour du globe, la tentation est forte pour un photographe de paysage de multiplier les voyages pour partir à leur recherche. Mais à cette envie se heurte inévitablement des problématiques environnementales, dont nous sommes bien souvent les témoins directs sur le terrain. Animé par la quête d’un équilibre plus cohérent qui réduirait ces dissonances, ma réflexion a évolué au fil du temps, alimentant du même coup ma démarche artistique.


Consacrer l’essentiel d’un travail photographique à des montagnes avec lesquelles se tisse au fil des années un lien profond se révèle finalement avoir plus de sens que de ne faire qu’effleurer brièvement la surface d’une multitude de lieux exotiques. Si ma volonté d’explorations plus lointaines perdure, elle m’invite aussi à imaginer des modes de voyages plus lents et plus immersifs, sur des temporalités plus longues. Une pensée qui soulève davantage de questions qu’elle n’offre de réponses, mais qui aura amorcé l’inertie d’une remise en question durable de mon rapport aux images que je capte, et de la matière que je souhaite y insuffler.